Psychanalyste à Draguignan : Interview de Grégoire Rotticci
1) Vous pratiquez ce qu’on appelle la « psychologie spirituelle ». Pouvez-vous nous dire en quelques phrases en quoi cela consiste ?
La psychologie spirituelle est un modèle élargi de la psyché qui ne se limite pas au niveau psychologique. Elle prend aussi en compte le niveau ontologique, c’est-à-dire tout ce qui a trait à l’Être, à l’Âme et au Soi transcendant. Ce type d’approche, appelée également psychologie transpersonnelle, adhère à la conception tripartite de l’être humain : Corps – Âme – Esprit.
Les principaux concepteurs de cette nouvelle psychologie sont : Carl Gustave JUNG, Roberto ASSAGLIOLI, John PERRY, Stanislas GROF, Ken WILBER, June SINGER et Robert MONROE. La psychologie spirituelle ne se limite pas à « rafistoler » ou réparer le moi en l’allégeant de ses conflits et de sa souffrance. Elle vise avant tout un processus d’individuation. Ce processus permet progressivement l’émergence du Soi et l’unification de la psyché par une reconnexion avec l’Énergie Universelle et la Source de toutes vies. Connecté à l’Être (le Soi en terminologie jungienne), le moi va petit à petit infuser les qualités du Soi. Cela lui permet de sortir progressivement du « manque à être » et de ses multiples systèmes de compensation.
Comme l’a affirmé en 1916 Carl Gustave JUNG : « nul n’est guéri s’il n’a pas retrouvé une position religieuse ». Aujourd’hui, je pense que le grand psychanalyste suisse Jung parlerait d’état d’esprit spirituel plutôt que de position religieuse. La spiritualité, étant un système de liberté, s’oppose aux religions. En effet, par leurs dogmes, ces dernières faussent l’expérience mystique et religieuse ainsi que le rapport au monde. Les religions, avec leurs systèmes de croyances erronés, risquent de nous couper de l’Univers et de la Conscience Divine. En revanche, une spiritualité vivante, authentique et transcendante nous relie progressivement à l’Âme du monde. Elle nous connecte également aux Forces Positives et Créatrices de la Terre-Mère (la Pacha Mama) et du Père Céleste (le Cosmos).
2) Quel a été votre parcours de vie jusqu’à maintenant ?
Proche de la nature et passionné par la psychologie, la naturopathie, la philosophie, la spiritualité et le yoga depuis l’âge de 25 ans, j’ai rencontré au cours de ma vie d’adulte un certain nombre de maîtres spirituels hindous, bouddhistes mais aussi occidentaux. Après une première psychothérapie, je me suis tout naturellement orienté vers des études en lien avec la psychologie, les sciences humaines, la relation d’aide et le développement personnel. Après des études universitaires et privées dans ces différents domaines, j’ai ouvert mon cabinet dans les Alpes Maritimes où j’exerce depuis 27 années. En parallèle à mes études de psychologie puis de ma supervision professionnelle, j’ai fait également un travail personnel qui a duré une quinzaine d’années environ à travers plusieurs types de psychothérapie.
3) Vos parents ou un membre de votre famille étaient-ils spirituels ?
J’ai grandi dans un milieu chrétien où ma famille et mes parents étaient croyants. Mon père était pratiquant, mais pas spirituel au sens mystique du terme. La spiritualité permet d’expérimenter la relation à Dieu, aux Hiérarchies célestes et aux mondes spirituels en toute liberté. Elle permet de recevoir directement la Grâce et l’Inspiration. En revanche, la religion injecte son « code de la route moral » et sa chape de plomb de conditionnements, de préjugés et de culpabilité. Ces éléments sont à l’origine des tensions et des dissensions internes, mais aussi externes entre les peuples, les cultures et parfois même les familles.
Je terminerai cette réponse par la très belle et inspirante phrase de Faouzi SKALI, écrivain, anthropologue et docteur en sciences des religions : « La Vérité que tu cherches, ô ami, est toujours au-delà de toi-même, c’est Elle qui t’attend et c’est Elle qui te guide, c’est Elle seule qui saura te rapprocher d’Elle-même. »
4) Comment avez-vous eu l’idée de faire ce métier ?
À l’âge de 21 ans, après deux années de pratiques spirituelles intensives, j’ai éprouvé le besoin de suivre une psychothérapie pour mieux m’enraciner. Mes pratiques incluaient la méditation transcendantale et des techniques avancées de Sidhis. C’est alors que j’ai rencontré une psychothérapeute américaine. Elle était véritablement humaine, compétente et pleine d’énergie. Cette rencontre m’a donné l’envie de devenir à mon tour un aidant et un accompagnant.
5) Les personnes venant vous voir doivent-elles avoir fait au préalable un travail minimum sur elles-mêmes ?
Non, il n’est pas nécessaire que les personnes venant me consulter aient déjà fait un travail sur elles-mêmes. Certaines ont déjà entrepris une « portion » de psychothérapie ou de psychanalyse et d’autres jamais.
6) Lors de vos consultations, vous analysez également les rêves. Pensez-vous alors que tous les rêves viennent de notre inconscient ou que certains nous arrivent comme des messages de ce qu’on appelle l’inconscient collectif ?
Oui, le travail d’analyse des rêves est très important dans ma pratique psychothérapique et psychanalytique. Schématiquement, il y a deux sortes de rêve. Les grands rêves sacrés et les petits rêves profanes. D’un côté, il y a les rêves freudiens qui émergent du niveau conflictuel et conditionné de l’inconscient. D’autre part, on retrouve les rêves jungiens. Ces derniers jaillissent du Supraconscient et de l’Intelligence créatrice du Soi, en lien avec l’Âme du monde et l’inconscient collectif.
7) Étiez-vous cartésien avant de vous tourner vers la spiritualité ?
Je suis toujours cartésien et heureusement pour moi ! Pourquoi faire un clivage entre rationalité et spiritualité ? Un être humain doit avoir « des racines et des ailes ». De la même façon qu’un oiseau a besoin de deux ailes pour voler et un être humain de deux jambes pour avancer, la nature nous a dotés de deux hémisphères cérébraux. L’un est féminin, affectif, intuitif, créatif, imaginatif, émotif et analogique. L’autre est masculin, logique, technique, verbal, objectif, analytique et mathématique.
Comme le disait Antoine de Saint-Exupéry dans son livre Le Petit Prince, « on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ». Le mental doit être au service du Supramental et de la Supraconscience, tout comme le moi doit être au service du Soi. Malheureusement, dans notre société « moderne », où l’intellect et les émotions sont hypertrophiés, ce n’est plus le cocher (l’Âme) qui dirige les chevaux (le mental, les désirs et les émotions) et l’attelage (le corps), mais bien notre ego limité et aveugle à la Réalité.
De même, au niveau du cœur, c’est le cœur superficiel, empli de faux besoins et de peurs, qui gouverne la plupart du temps les humains. Rarement, c’est le cœur profond dont parle Saint-Exupéry, empli de la Présence silencieuse, lumineuse et harmonieuse de l’Être, constituée de Calme, de Paix, de Sagesse et de Compassion.
8) Vous sentez-vous épanoui aujourd’hui ?
Chaque âge apporte son type d’épanouissement. Pour celui ou celle qui suit un authentique et sincère cheminement spirituel, la rose de l’Âme s’ouvre lentement mais sûrement, libérant peu à peu son parfum et sa bonne odeur de sagesse.
Comme le dit l’écrivain Paulo COELHO dans son livre L’alchimiste : « Une quête (spirituelle) commence toujours par la chance du débutant et s’achève toujours par l’épreuve du conquérant. »
9) Y a-t-il une raison particulière pour laquelle vos patients reviennent régulièrement ?
Pensez-vous pouvoir creuser un puits assez profond pour y trouver de l’eau en un jour ? Ou vous semble-t-il possible de construire une maison en trois jours ou une semaine ? Comme un bébé qui grandit lentement, l’arbre du changement pousse également lentement.
Le processus de croissance et d’éveil à la Conscience-consciente se fait progressivement grâce à la psychothérapie spirituelle. Cette thérapie intègre généralement parmi ses outils les techniques de méditation et l’analyse des rêves. Dans les rêves, le Soi distille à son rythme son énergie super-ordonnée et sa connaissance transcendante à la personnalité et au moi conscient.
10) Travaillez-vous en partenariat avec d’autres médecins provenant de médecines naturelles ?
Oui, je travaille en partenariat quand cela me semble pertinent. Seul un « thérapeute » prisonnier d’un sentiment de toute-puissance pourrait se passer, dans certains cas, de l’assistance de professionnels pratiquant des disciplines complémentaires. Ces disciplines incluent la naturopathie, l’ostéopathie, l’acupuncture et l’homéopathie. De plus, dans certains cas, la médecine généraliste ou psychiatrique est également nécessaire.
11) Un message qui vous a inspiré et qui pourrait en inspirer d’autres ?
Oui, voici quelques citations qui m’ont inspiré et orienté :
« Deviens ce que tu es (en potentiel) » – Friedrich NIETZSCHE.
« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux » – Inscription du fronton de Delphes, reprise par SOCRATE.
« Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre (Horatio) que n’en peut rêver votre philosophie » – William SHAKESPEARE.
« Nul n’est guéri s’il n’a pas retrouvé une position religieuse » – Carl Gustave JUNG.
« La Connaissance est structurée dans la Conscience » – MAHARISHI MAHESH YOGI.
« Dans le monde d’aujourd’hui, il existe deux types de pauvreté : la première est due à un manque de nourriture, de vêtements ou de logement ; la seconde à un manque d’amour et de compassion » – AMMA.